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4 mai 2010

Varanasi [1]

Des corps. Six. Deposes. Un peu en desordre, le contraire surprendrait ici. La ceremonie a debute plus haut. Des hommes uniquement, l'endroit est interdit aux femmes. Le corps est apprete ; on le descend,  il patiente dans l'eau en attendant que son bucher soit pret. On l'asperge. On debute par quelques gouttes d'eau dans la bouche, de l'eau sacree. On voit bien son linceul blanc sous la soie safran et les colliers d'oeillets de la meme couleur. A quelques metres un gamin peche, la prise est bonne, il l'exhibe puis la remet dans le frais de l'eau. On remonte le defunt. Autour des buchers crepitent et tout est brouhaha. On prepare son bucher; mal fait, il faut recommencer. On le deplace donc. Des vaches sortent du fleuve ; leur proprietaire a termine leur lavage a mains nues, il l'a fait avec amour, ca on l'a bien vu. Elles vont de leur sabots mal assures remonter les marches, croiser de leur indifference bovine des corps que l'on descend. Les feux sont inegaux dans leur voracite. Des chiens aboient; plusieurs contre un, ils le font avec vehemence, ils le font de loin : ils sont indiens. Des bateaux passent. Le prepose aux hautes oeuvres tisonne les feux, on est presse, les morts patientent, Sont tellement nombreux que les buchers brulent 24h sur 24. Des chevres passent a leur tour, frolent les buchers, ils sont devenus brasiers ; elles sont voraces, elles ont faim, les oeillets elles aiment bien. Des chiens encore pissent, d'autres defequent; les chevres s'y mettent a leur tour. On ne leur dit rien comme aux chiens. De qui sont-ils la reincarnation? Respect de tous, respect de tout, respect partout. Des familles discutent, personne n'est dans l'effusion, la douleur. On cause semble-t-il. On patiente ou on attend? En haut des marches on joue au cricket, les regles ont ete modifiees pour les circonstances mais on y joue avec constance et les cris de joie se repandent, sans entrave ni gene. Des enfants nagent, plongent et leurs cris se melent. On fait ses ablutions aussi; on lave son linge, un peu, le ghat est encombre; il n'y a plus qu'a l'etendre, trouver ou, le monde est partout qui se balade. Des hommes pissent le long d'un mur; demain c'est dabord cette odeur la dans la fournaise qui vous previendra. On descend du bois, il faut charger les buchers, d'autres corps viennent d'arriver. On vous le dira, le bois de sandal c'est le meilleur, son prix aussi.. c'est lui qui brule le mieux. Les pauvres eux ont leur bucher, leur bois, leur prix : c'est qu'il faut pour chacun ses 350 kg de bois. Et puis s'il n'y a pas assez de bois, et bien le corps ira au fil de l'eau, les corbeaux lui blanchiront les os; l'important n'est pas la.

 

D'une longue tige de bambou on active un foyer, les chairs ne se consument pas assez vite et la file d'attente est deja grande. On ressort un morceau d'un corps resistant et on le remet en bonne place, la ou les flammes sont plus vives : c'est donc bien la preuve que l'on est presses. C'est toujours le sternum chez les hommes qui demande le plus de temps, pour les femmes on dit que c'est le bassin. Une tete se detache, elle roule, on la remet a sa place avec le bambou; pas facile mais l'experience prevaut et tout rentre dans l'ordre du feu. Les etincelles disent la tache reussie.

 

Des barques encore; leur nombre a augmente. Les familles dedans, on jette des fleurs, des grains de riz ; on chantonne, on n'est pas triste: le mort a eu ce qu'il voulait. Une barque et des touristes,des amoureux, ca se voit a leurs gestes retenus et la mort qui flambe vue du fleuve...Ils sont venus pour voir la Ganga aardi la grande soiree avec feux de joie et danses pour celebrer les desses et les dieux; spectacle son et lumiere, la fete quoi. Les barques se serrent dans un pays ou les frolements montrent la frustration des corps. On est bien places, juste devant, en tout cas mieux que sur les marches car des fois on peut avoir un grand devant soi et c'est alors plus difficile pour les photos et les appareils maintenant sont si petits que chacun se voit dans l'obligation de se lever, ben oui.  De chaque cote on voit bien les feux qui flamboient. On pourrait penser aux feux de la saint jean, ou bien sont-ce des bacchanales mais il faudrait etre fou pour depenser une part de cerveau libre pour dire ca. Alors des relapses pour attirer des curieux? C'est aussi cela la nuit a vanarasi

 

Une experience inoubliable dit un guide ecrit en francais; decidement  ce guide la ose tout.

 

 

Des cris en haut du ghat. On a dabord cru a des slogans mais les scansions se terminent sur la premiere marche. Oui on a cru a une manifestation, la ville en est pleine ces jours ci. L'inflation exerce ses ravages : + 17 pour cent d'augmentation des prix des produits de  premiere necessite. Dans les rues ce sont les autobus qu'on brule. On suit des yeux un corps qui chaloupe vers l'eau. Les proches portent a l'epaule le bois : celui du ghat est trop cher. Un brasier pour chacun, la mort pour tous. En tas de cendres.

 

Des passants passent, des passants rient, on telephone car on a son portable. T'es ou ?

 

Un sadhou essaie une paire de lunettes de soleil, des vraies -fausses rayban. Un autre fait la manche -decidement on aura tout vu. Encore des chiens, ils dorment la ou hier, avant hier...

 

On rassemble des cendres dans un panier en osier puis on s'en va les tamiser dans le fleuve, rien ne se cree, rien ne se perd, tout se transforme disait Lavoisier. Ici il faut simplement recuperer l'or des dents ou des boucles d'oreilles. On reverse tout aux pauvres dit un guide de pacotille qui voudrait bien nous prendre pour des gogos. Depuis quand en inde quelqu'un se preoccupe-t-il des pauvres? Un super marche aquatique se deplace a coups de rames, pas grand chose a vendre mais ca fait des souvenirs malgre tout qui iront rejoindre d'autres brimborions meme pas sur la cheminee; en fin de journee, dans l'emollience des corps on a davantage tendance a acheter. Des anciens continuent de se laver les dents, le corps. Des chiens, des chevres, des vetements, des bateaux, des vaches, des cris, des rires, des balles de cricket, tout va a vau l'eau. Et des buchers, qui brulent, sans arret.

Religon, religiosite, venalite.

 

Varanassi 4 millions d'indiens viennent tous les ans pour s'y purifier. C'est la grande ferveur indienne; 900 millions de personnes ce n'est pas rien.

 

 

Varanassi. La Mecque. Le Vatican. C'est tout pareil.

Rome j'adore. Varanassi je decouvre subjugue. La Mecque j'y suis interdit de sejour..
Benares-Varanassi on y arrive intact. En partant, les croyants de toutes sortes ont-ils gagne une parcelle de leur ame ?

P. Loti disait Il est des villes- telles Benares- encore tellement impregnee de priere malgre l'invasion du doute moderne, que l'on y est plus pres qu'ailleurs libere d'entraves charnelles et plus pres de l'infini.

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