Varanasi [4]
Des femmes. Sur les ghats elles ont droit a LEUR ghat. C'est dire
si elles sont gatees. Mais elles peuvent aussi aller avec les
hommes...Elles seront aussi gatees. Quoiqu'il en soit celles ci ce matin
sont entre elles. Elles se contorsionnent; c'est une sarabande de
bleu, de vert, de mauve qui virevolte, qui tourne et s'etale, se repand
dans le jaune, le violet et le safran. Dabord le haut, le plus facile
car on a ses deux mains de libre puis le bas sans lacher tout a fait le
haut. Des marches on voit bien que deux mains n'y suffisent pas. Mais on
ne peut les aider. Les voila enfin revetues de leur tenue de bains
locale, c'est a peine si un bout de bras denude depasse. Les habits de
ville sont deposes sur une modeste
estrade ad hoc. Tout ca en papotant. Elles se baignent, ne nagent pas.
Dailleurs ou l'auraient-elles appris ,elles ne sont pas des garcons
elles. La tete est restee hors de l'eau pour les plus agees. On prie
-des ablutions dans les regles de l'art- et on discute, des copines
probablement. La tete des autres est aspergee, le corps immerge, les
mains se rejoignent dans la forme d'une conque, les yeux sont fermes, on
sent que l'extase n'est pas loin. On disparait dans l'eau sacree, on
ressort, on replonge et on ressort. Ce ne sont plus des femmes, ce sont
des zebulons. Et c'est
fini.
On ressort et on remonte jusqu'a l'estrade. Commence
le re-habillage sans essorage mais toujours avec du babillage. Le haut
d'abord. Ah! cette bretelle qui ne veut pas glisser et qui
s'entortille,qui s'enroule, alors on rit fort, mais on est quand meme un
peu genee, quand il faut tenir le bas afin qu'il ne glisse pas et que
des hommes passent plus haut. Un sein s'echappe, vite rattrape et remis a
sa place. Puis on se tourne, on se vire, on se baisse, on passe un pied
et la jambe suit, reste l'autre; tout ca en tenant encore le haut,
enfin la taille. Dernieres contorsions, derniers tortillements. Ca y
est, on respire, c'est fait. C'est un ouf silencieux qui ne remonte pas
les marches des ghats. Tout est rentre, passe, remis en place, a sa
place. De la pudeur la dedans. On peut s'asseoir et reprendre les
causeries. Le bain est fini.